LOGEMENT ET FISCALITE : UNE REFORME MAJEURE SOUMISE AU PEUPLE EN SEPTEMBRE 2025

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Chère lectrice, cher lecteur,

Le 28 septembre 2025, le peuple suisse se prononcera sur un changement du système d’imposition du logement, à savoir l’abolition de la valeur locative imposable pour les propriétaires occupant leur propre logement (swissinfo.ch). En pratique, les citoyens voteront l’ensemble de la réforme de l’imposition du logement. Si le projet est refusé, le système actuel de la valeur locative restera en vigueur intégralement.

1. Le mécanisme actuel expliqué simplement

Actuellement, quiconque possède un immeuble d’habitation en Suisse et l’occupe à titre privé doit déclarer une valeur locative. Cette valeur locative est un loyer théorique que le propriétaire pourrait percevoir s’il louait son logement à un tiers. Elle est ajoutée aux revenus du contribuable et soumise à l’impôt sur le revenu. Ce principe s’applique aussi aux résidences secondaires non louées (par exemple les chalets de vacances). En revanche, si le logement est loué à des tiers, c’est le loyer réellement perçu qui est imposé.

Calcul de la valeur locative : Selon les cantons, la valeur locative représente une fourchette d’environ 60–70% du loyer du marché. Dans le canton de Neuchâtel, la valeur locative est calculée à partir de la valeur cadastrale du logement selon un barème progressif : 3,5% de la valeur jusqu’à 500’000 CHF, 3,3% entre 500’001 et 1’000’000 CHF, 2,7% entre 1’000’000 et 1’500’000 CHF, etc. (NE.ch)

En contrepartie de l’imposition de ce revenu fictif, le système actuel permet aux propriétaires de déduire de leur revenu imposable les charges liées au bien. Sont ainsi déductibles : les intérêts de la dette immobilière (hypothèque) et les frais d’entretien et de rénovation effectifs, ou forfaitaires selon le canton.

2. Les principaux aspects favorables au système actuel relevés dans le débat

  • Équité entre propriétaires et locataires : le principe oblige le propriétaire-occupant à payer des impôts sur « l’avantage en nature ».
  • Encouragement de l’entretien immobilier : les propriétaires peuvent déduire les dépenses d’entretien, de rénovation et les intérêts d’emprunt.
  • Recettes fiscales pour l’État : l’imposition de la valeur locative constitue une source de revenus non négligeable pour les collectivités.

3. Les principaux aspects défavorables au système actuel relevés dans le débat

  • Taxation d’un revenu fictif jugé injuste : beaucoup de propriétaires occupants eux-mêmes leur logement considèrent anormal d’être imposés sur un revenu théorique qu’ils n’encaissent pas.
  • Incitation à l’endettement privé : le fait de pouvoir déduire les intérêts crée une incitation fiscale à conserver une dette hypothécaire élevée plutôt qu’à rembourser son logement.
  • Effets fiscaux variables selon la conjoncture : le rendement du système de la valeur locative pour les finances publiques dépend fortement du taux d’intérêt.

4. Réforme en discussion : quels changements ?

Après des décennies de débats et une tentative avortée en 2012, le Parlement a adopté fin 2024 un projet de suppression pure et simple de l’imposition de la valeur locative pour les logements occupés par leurs propriétaires de résidences principales et secondaires. En voici le détail :

  • Fin de l’imposition du loyer fictif : les propriétaires occupants n’auront plus à déclarer de valeur locative pour leur habitation principale, ni pour une résidence secondaire d’usage privé.
  • Suppression ou restriction des déductions liées au logement : en contrepartie, la plupart des déductions fiscales actuellement admises seront supprimées ou réduites drastiquement :
    • Les intérêts hypothécaires ne seront plus déductibles du revenu, sauf s’ils se rapportent à des biens mis en location. Par exemple, un propriétaire qui possède un immeuble locatif et sa maison, pourra déduire la fraction des intérêts de sa dette correspondant à la part du bien loué. En revanche, celui qui n’a qu’une résidence principale ne pourra plus déduire ses intérêts d’emprunt (hors exception primo-accédant).
    • Frais d’entretien ne seront plus déductibles pour les propriétaires occupant leur bien.
    • Les mesures d’économie d’énergie et de protection de l’environnement ne seront plus déductibles au niveau fédéral ; les cantons pourront toutefois décider de maintenir cette déduction jusqu’en 2050. En revanche, les travaux de restauration de monuments historiques resteront déductibles au niveau fédéral et potestatifs au niveau cantonal.

En pratique, les déductions liées à l’usage propre disparaissent presque totalement, hors cas limités : les biens générant un revenu imposable (immeubles locatifs et de rendement détenus par une personne physique), primo-accédants, monuments historiques.

  • Allègement transitoire pour les nouveaux propriétaires : conscient que l’achat d’un premier logement entraîne souvent un fort endettement initial, le législateur a prévu une mesure de transition pour les primo-accédants. Il s’agit d’une déduction dégressive des intérêts hypothécaires durant les 10 premières années suivant l’acquisition du logement.
  • Introduction d’un impôt immobilier spécial sur les résidences secondaires : pour éviter un manque à gagner trop important dans les régions touristiques, la réforme permettra aux cantons (et, le cas échéant, aux communes) de prélever un impôt immobilier annuel spécifique sur les résidences secondaires occupées principalement par leurs propriétaires.

Mise en œuvre : si le oui l’emporte en septembre 2025 (et que la double majorité peuple-cantons est atteinte pour la modification constitutionnelle), le changement de système sera entériné et la nouvelle loi fédérale pourra entrer en vigueur selon le calendrier prévu par le Parlement. On peut s’attendre à une entrée en vigueur effective dès 2026 ou 2027. Dans le cas contraire (refus en votation), le système actuel restera en place et la valeur locative continuera d’être imposée comme aujourd’hui.

5. Arguments avancés en faveur de la réforme

  • Fin d’une incitation à l’endettement et simplification du système fiscal : les propriétaires n’auront plus d’avantage fiscal à contracter ou garder une dette élevée juste pour la déduire.
  • Neutralité pour le marché du logement locatif : les locataires craignaient que la fin de la valeur locative ne rompe un équilibre.
  • Mesure plus favorable aux retraités : soulager les retraités propriétaires.
  • Compensation ciblée pour les régions touristiques : grâce à l’impôt spécial sur les résidences secondaires, les cantons disposant de nombreuses maisons de vacances pourront préserver une partie de leurs recettes fiscales liées à la propriété immobilière

6. Arguments avancés en défaveur de la réforme

  • Disparition des incitations à la rénovation énergétique : la réforme supprime, au niveau fédéral, les déductions pour dépenses d’économie d’énergie.
  • Risque d’inégalités cantonales : chaque canton sera libre de décider s’il introduit ou non un impôt spécial sur les résidences secondaires et d’en fixer les conditions.
  • Bénéfice fiscal nul pour les locataires : naturellement, les ménages locataires ne retireront aucun avantage direct de cette réforme.

Focus sur le canton de Neuchâtel

Un propriétaire neuchâtelois déclare la valeur locative de son logement dans sa déclaration cantonale et fédérale, mais peut déduire les intérêts hypothécaires et frais d’entretien. À Neuchâtel, l’impôt foncier est distinct de l’impôt sur le revenu : le canton prélève 0,24% de la valeur cadastrale et les communes peuvent ajouter jusqu’à 0,16%. Cet impôt ne vise pas l’usage propre : la résidence principale (et, en principe, une résidence secondaire utilisée exclusivement par son propriétaire) n’est pas assujettie.

En Conclusion


En bref, la votation du 28 septembre 2025 porte sur un changement de système. Si le projet est accepté, la suppression de la valeur locative s’accompagnera d’un ajustement des déductions et d’éventuelles mesures cantonales. Selon que vous êtes propriétaire, bailleur ou locataire, et selon votre canton, l’effet pourra être différent. En cas de refus : statu quo, rien ne change.

Nos collaborateurs se tiennent volontiers à votre disposition pour tout renseignement complémentaire.

BRUNNER ET ASSOCIES SA

Société fiduciaire

Septembre 2025